Cette année, nous étions à Kyoto la nuit du 16 août, et nous avons eu la chance d’assister au célèbre « Daimonji Gozan Okuribi ».
Durant ce festival, les feux qui guident les esprits sur le chemin du retour (lire nos précisions sur cette tradition bouddhiste plus bas) sont gigantesques et sont allumés tour à tour sur le haut des collines environnantes pour que tout le monde puisse les observer de plusieurs points de la ville. Cinq feux au total qui brûlent pendant une demi-heure, et nous avons eu la chance d’en voir deux dont un de très près (le Dai, le premier feu allumé à l’est de la ville, et le deuxième au Nord, le caractère chinois Hō qui va de pair avec le Myō que nous ne voyions pas).
Pendant que Damien prenait des photos aux premières loges, je discutais avec une jeune japonaise qui était venue de Tokyo pour célébrer Obon chez ses parents. Durant notre conversation, j’ai appris que les personnes responsables des feux sont des habitants du quartier depuis plusieurs générations (dans le cas du feu Hō, le quartier de Matsugasaki où nous étions ce soir-là). Une fois les feux éteints, les hommes et femmes redescendent des montagnes et rejoignent leur famille pour aller danser et prier au temple local. Le lendemain, ils remonteront la colline pour aller chercher la cendre des feux et la ramener chez eux afin de les protéger contre les incendies.
C’était vraiment chouette d’être aussi près et d’entendre crépiter les feux. Pour les locaux qui ont perdu des êtres chers, c’était certainement un moment solennel et émouvant de penser aux esprits retournant dans leur royaume jusqu’à leur prochaine visite l’année suivante.
Les gens regardent en silence. Une jeune fille contemple le reflet de l’idéogramme qu’elle fait miroiter à la surface d’une petite cuvette et prie. Les feux lointains se reflètent inversés en réduction dans la coupelle qu’elle tient entre ses mains – à quoi pensent-t-elle ? La lettre enflammée en un éclair dans ce ciel nocturne de plain été, les gens ne la contemplent-ils pas chacun avec une idée en tête comme s’ils regardaient le feu lointain dans leur propre cœur ? Le goût de Kyoto, Allen S. Weiss, éd. Mercure de France
Petites précisions (et une réflexion personnelle) sur cette fête, si tu désires en savoir plus :
Du 13 au 16 aout, les japonais sont en vacances pour la fête d’Obon.
Obon est un rite bouddhiste qui rend hommage aux défunts dont les esprits ont l’occasion de revenir sur Terre en cette période de l’année pour visiter les leurs.
En recherchant des informations sur cette fête, je suis tombée sur cette vidéo qui m’a beaucoup émue. Si tu comprends l’anglais, je te la recommande.
Le premier jour de la période d’Obon, les japonais préparent un petit autel dans un recoin de leur maison. Un autel généralement paré de la photo des ancêtres ou défunts, sur lequel ils déposent des offrandes, brulent une bougie et de l’encens et allument une lanterne afin de guider leurs morts sur le chemin de la maison sans qu’ils ne se perdent.
La tradition veut que les défunts reviennent dans le monde des vivants quelques jours, puis le dernier jour d’Obon, les familles les guident sur le chemin du retour en allumant d’autres lanternes qu’ils déposeront sur l’eau ou en brulant des feux.
En cette période, on pourra aussi rencontrer de drôles de concombres et aubergines à quatre pattes, pour symboliser respectivement un cheval et un bœuf. Ce sont les moyens de transport utilisé par les esprits pour faire l’aller-retour entre le monde des morts et le nôtre. Ils viendront au galop sur le cheval et repartiront plus lentement en chevauchant le bœuf.
Durant ce festival, les familles japonaises se réunissent et se remémorent leurs ancêtres ensemble, dans une ambiance festive accompagnée de danses et de chants.
Il est difficile de savoir à quel point cette fête est encore célébrée dans les foyers japonais, et si l’essence de cette tradition est intacte, mais de notre point de vue, c’est une belle façon de commémorer les personnes qui ont compté et qui nous ont quittées.
En faisant le lien avec un article du magnifique magazine Taproot d’il y a quelques mois et qui parlait de créer ses propres fêtes à célébrer tout au long de l’année en fonction de son histoire personnelle et de ses valeurs (plutôt que de fonctionner avec les fêtes nationales, souvent attachées à la religion, et qui parfois n’ont plus aucun sens pour nous), je me suis dit que pourquoi pas, comme les japonais, improviser un petit autel dans un coin de chez nous en l’honneur de nos défunts lorsque nous en avons envie ?
Personnellement et pour diverses raisons, je trouve difficile de me recueillir ou d’honorer la mémoire des êtres chers que j’ai perdus avec les moyens traditionnels que je connais.
Créer ma propre tradition, à une date que j’aurais choisie, et me remémorer ces personnes qui ont compté en récitant une prière inventée, en chantant, en allumant une bougie ou en feuilletant les albums photos, est une idée qui me plait beaucoup.
Toutes ces petites choses que nous pourrions faire, seule ou accompagnées de notre famille, pour exprimer notre amour et notre gratitude pour ces personnes qui sont toujours vivantes dans nos cœurs et nos esprits, et leur dédier un espace physique et spirituel. Célébrer leur vie dans la joie et l’espoir plutôt que dans les larmes.
À lire aussi notre article sur le festival de la rose trémière à Kyoto.