L’ikebana fait partie des arts traditionnels japonais dont l’origine remonte au XVème siècle. Cet art porte aussi le nom de kadô, ou la voie des fleurs, et comme tous les arts dont le nom se termine par le suffixe -dô, il est avant tout un chemin personnel spirituel (au même titre que le chadô, ou la voie du thé).
Cet art n’est pas une école de dextérité, un exercice manuel, c’est une expérience de l’être. La technique en est le support extérieur, mais il ne faut pas en surestimer l’importance. Ce qui est décisif, c’est la discipline du “cœur”, l’union harmonieuse du corps, de l’âme et du monde environnant. Gusty L.Herrigel, la voie des fleurs, le zen dans l’art japonais des compositions florales, éd. Dervy
À l’origine, l’ikebana est un art essentiellement pratiqué par des hommes : prêtres bouddhistes, maîtres de thé, nobles et samouraïs. Par la suite, il est devenu une des disciplines à maîtriser par les maîtresses de maison, les «bonnes épouses», et donc surtout pratiquée par les femmes.
Comme toutes les traditions orientales, la pratique de l’ikebana s’est transmise de génération en génération essentiellement par voie orale, et il existe très peu de support écrit qui en explique le principe sous-jacent hormis celui de Gusty L. Herrigel cité plus haut et écrit dans les années 90. Il est donc difficile pour un Occidental d’en saisir le sens profond sans un contact direct avec la pratique.
Cependant, des sujets comme le zen ou le wabi sabi peuvent permettre également de comprendre certaines clés de cet art, étant donné que tous les arts traditionnels japonais trouvent leur source dans le bouddhisme zen et la conception du monde qui en découle.
Un arrangement floral ikebana ne ressemble en rien à un bouquet de fleurs à l’occidentale. En ikebana, sont utilisés non seulement les fleurs, ouvertes et en boutons, mais aussi et surtout les branches et branchages divers et toute autre forme de plantes. La matière première ici est le végétal au sens large et elle est choisie selon la saison, sa couleur et sa texture.
Un ikebana même très sobre et minimaliste est une composition qui suit des codes très précis. Bien qu’il existe de nombreuses écoles enseignant l’ikebana aujourd’hui, la structure basique de toutes les compositions traditionnelles comprend trois lignes principales faisant référence à la triade bouddhique. En s’élevant ensemble au dessus de l’eau, elles symbolisent l’unité entre le ciel, l’homme et la terre.
Ce symbolisme n’est pas seulement une représentation visuelle. Il exprime, en son principe essentiel, le rythme éternel de la forme et du contenu, de la Plénitude et du Vide. Le spectateur, l’ “Homme” lui-même, se tient au centre du mouvement cyclique et – peut-être – reçoit-il de lui un reflet de l’éternité. Gusty L.Herrigel, la voie des fleurs, le zen dans l’art japonais des compositions florales, éd. Dervy
En plus des végétaux, le choix du contenant est primordial en ikebana. Le vase ne doit pas être considéré comme un simple récipient, mais comme participant, par ses qualités, à l’oeuvre d’art qu’est l’ikebana.
Chaque école a créé des vases spécialement adaptés aux formes de bouquets qu’elle enseigne.
Il existe une grande variété de types de contenant : vanneries traditionnelles en bambou, vases hauts, coupes plates, céramiques laissées brutes, porcelaines délicates et colorées, et même vases modernes en verre ou en métal.
On cherchera à harmoniser les proportions, la matière et la couleur du vase avec le type de composition et les végétaux choisis. En général, on recherche la sobriété : le vase ne doit pas “écraser” la composition.
Enfin, l’eau a également un rôle esthétique et symbolique, particulièrement dans les bouquets moribana, spécifiques à l’école Ohara, qui sont composés dans une coupe large et plate. Le végétal se nourrit et “se regarde” dans l’eau, qui doit donc être bien visible et pure.
S’initier à l’ikebana est un travail de toute une vie. Il ne suffit pas de connaitre par cœur ou de copier les formes traditionnelles des compositions florales, encore faut-il arriver à cette disposition d’esprit, à cette attitude de détachement, de repos intérieur que le pratiquant conservera en dehors de sa pratique, dans toutes les sphères de sa vie quotidienne.
Comme les autres arts traditionnels japonais, tel que la peinture, le tir à l’arc ou la cérémonie du thé, l’ikebana “n’exige pas seulement des aptitudes artistiques, mais requiert une attitude spirituelle acquise durant des années d’exercice de concentration, attitude qui permet à l’élève d’accéder à ce qui importe avant tout : à l’ineffable, à l’absolu, à l’ “esprit” même.” Gusty L.Herrigel, la voie des fleurs, le zen dans l’art japonais des compositions florales, éd. Dervy
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La rédaction de cet article fait suite à une passionante conversation que j’ai eu le plaisir d’avoir avec Christine Leenhardt, maître Ikebana de l’école Ohara. Christine a généreusement partagé son expérience, ses connaissances et ses compositions florales (toutes les photos de cet article sauf mention contraire).
Tu peux suivre le travail de Christine (et la contacter) sur son profil Instagram, et visiter le site de l’école Ohara (en anglais) qui enseigne l’ikebana à Paris et en province.